Les gardiens du musée des Beaux-Arts de Séville m’interdisent de m’asseoir et de peindre. Dépitée, je range mes aquarelles au fond du sac et jette un oeil dans ma trousse de secours. Une lime à ongle, quelques rognures de crayons et deux stylos : un pinceau encre à cartouche et un marker bleu. Pourquoi pas, tiens. Je pourrais faire de courtes poses en restant debout. Si les gardiens reviennent, je dirai que je prends des notes avec des formes en guise de mots.
Les salles du rez-de-chaussée, réparties autour d’un ancien cloîtres au style mudejar, regroupent essentiellement les oeuvres destinées à décorer les églises du Moyen-Âge et de la Renaissance espagnole. Les spots projettent sur les sculptures des ombres franches. J’enchaîne les croquis. D’abord les ombres en bleu, taillées à la serpe, puis les détails à l’encre noire. Pas de subtilité, pas de nuances. Du brut.
Cet exercice me permet de retrouver une énergie que je perds souvent dans les détails. Les gardiens du musée m'ont offert ce que l'on appelle "une contrainte libératoire".