Avant de quitter Pondichéry, je passe un moment avec Adileakshmi, la troisième femme de ménage. Elle parle anglais, nous pouvons rester seule.
«Tu sais, avant que tu commences à me poser des questions, je voudrais te dire merci pour ce jour mémorable. Ce moment que nous partageons aujourd’hui me reviendra à l'esprit, même dans plusieurs années. Alors, il me semble important de te remercier.
J'ai 42 ans. Je me suis mariée tard : j'avais 25 ans. Je voulais faire un mariage d'amour et pour ça, il faut de la patience. En attendant, je travaillais dans une usine de produits anti-moustiques, pour être indépendante. Puis j'ai rencontré Paléanikumar et je l'ai épousé. Regarde cette photo, nous venions de nous marier et j'étais déjà enceinte de ma fille. J'étais tellement heureuse quand j'ai quitté l'usine pour m'occuper d'elle. Aujourd'hui, c'est mon unique enfant. Elle a 17 ans et veut devenir docteur. Toi tu es mariée ? Tu as des enfants ?»
Non.
Alors, derrière la cage d'escalier de l'hôtel, sous l'œil bienveillant de trois divinités en plâtre, nous parlons simplement d'amour. Adileakshmi veut comprendre pourquoi je suis célibataire. Je lui explique que parfois, les sentiments s'estompent, et qu'en France la porte de sortie est si facile à franchir que rester en couple devient une prouesse. Elle me dit qu'il ne faut pas s'inquiéter et prendre son temps : je dois observer autour de moi et choisir le meilleur des hommes. Quand je lui réponds que rester seule présente certains avantages, elle prend un air triste et souffle que ça n'est pas une bonne idée. Je réponds que ça dépend des jours. Nous rions un moment et avons le sentiment de nous comprendre.
Quand nous nous séparons, Adileakshmi me fait promettre de ne jamais l'oublier.