Retour à Monde

Elle s’appelle «Vajaya», ce qui signifie «Victoire». Avant de travailler dans cet hôtel, elle s'occupait de l'entretien d'un ashram (lieu où les disciples d'une communauté vivent autour d'un maître).
 
«Mon mari a eu un accident après notre mariage et ne peut plus travailler depuis longtemps. Ça fait 25 ans que je subviens toute seule aux besoins de ma famille. J'ai deux filles et je travaille dur pour pouvoir leur payer des études. Je me suis mariée à 19 ans, je ne veux pas qu’elles fassent la même chose. Je voudrais qu'elles trouvent un travail. 
 
Moi, je n'ai pas eu la chance d'aller à l'école. Mes parents sont morts quand j’étais enfant. Nous étions quatre soeurs, et nous nous sommes retrouvées seules. Un voisin qui nous connaissait depuis toujours nous a aidées. Il a juré de nous protéger. Nous avons fait le Rahki (Raksha Bandhan) : c’est une cérémonie qui permet de célébrer les liens de fraternité, y compris pour ceux qui n'ont pas de lien de parenté. On a eu de la chance : c'est dur d'être une femme sans protection.»
 
Nous revenons à ses filles. Je lui demande ce qu'elles aimeraient faire dans la vie, si elles ont un rêve. Depuis le début, Hashim me traduit gentiment chaque parole. Il est ravi de participer à cette conversation, à laquelle il n'aurait pas eu accès autrement. Mais quand je demande à Vajaya si ses filles ont un rêve, il me regarde, surpris «Elles n'en ont pas : ce sont simplement des adolescentes qui vont au lycée». J'insiste et il traduit ma question.
 
«Ah ça, oui ! La première voudrait travailler dans la finance, et la deuxième aimerait être styliste. Elle dessine tout le temps : regarde.»
 
Vajaya sort son téléphone et me montre des dizaines de photos de dessins, de poupées habillées et de jeunes femmes en robes.