27/03/2017 15:00

Nous nous attablons devant des glaces couvertes de chantilly. 
 
« J’ai rencontré Renato à l’école primaire. Il était indiscipliné, mais drôle et généreux. On a fait les 400 coups. Adolescent, il connaissait les tunnels souterrains de Santiago. Un jour, on est entré secrètement dans l’hôpital psychiatrique : moi à la guitare, lui à l’accordéon, on a joué de la musique pour les fous. » 
 
Mario avait un petit laboratoire où il développait des photos. Après le coup d’État, Renato est venu lui demander quelques clichés pour de faux papiers. Mario n’était pas mêlé aux affaires politiques, mais il a accepté d’aider son ami. Quand ils sont sortis du studio, la police les attendait. 
 
Aujourd’hui, il ne comprend toujours pas comment les militaires ont pu être aussi efficaces. « Ils ont certainement collecté des informations en amont. J’ai une théorie, Renato ne me croit pas, mais écoute : peu avant le coup d’État, on voyait plein de nouveaux élèves entrer dans les lycées. De jeunes hommes athlétiques, qui propageaient des idées de gauche. Moi, je crois que c’étaient des espions, destinés à dénoncer ceux qui étaient sensibles à la contestation. »
 
Quand nous nous séparons, il nous dit  « Merci de me poser ces questions. Je réalise que je n’ai jamais raconté tout ça à mes enfants. Je réalise aussi qu’ils ne m’ont jamais interrogé. »